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9 juillet 2012 1 09 /07 /juillet /2012 16:10

Je savais bien que cela arriverait un jour. Je ne dis pas que je l'attendais ce jour, mais je savais qu'il viendrait.

Une des résidentes que je visite est morte dans la nuit, je l'ai appris en arrivant cet après midi; elle s'est "éteinte" dans son sommeil...tranquillement tout doucement après avoir reçu la visite de l'unique membre de sa famille, qu'elle attendait je crois pour mourir. Jeanne était vivante et n'avait pas du être rigolote tout les jours, autoritaire et parfois blessante, elle était drôle aussi. Sous son air de dame très digne, elle utilisait un vocabulaire très ....comment dire...plutôt imagé, ponctué de mots très gros et d'expressions souvent directes. Je l'aimais beaucoup même si parfois elle m'a envoyée sur les roses, elle était fragile et seule. Son regard sur la vie était très cru et sans faux semblant. Les personnes âgées sont parfois résignées quand elles arrivent dans les maisons de retraite, elle non, elle menait le petit monde de l'Ehpad à la baguette et beaucoup de résidents la craignaient, tant elle dégageait une espèce d'autorité naturelle. Ces derniers temps cependant elle ne sortait plus de sa chambre, s'alimentait peu, buvait de moins en moins, sentant que le temps était peut-être venu de lâcher un peu prise.

Elle aimait les caresses sur le front que je m'autorisais à lui prodiguer; je reverrais toujours le bonheur qui se lisait sur son visage quand je lui embrassais les paupières et ses longs doigts si fins...

J'aimais son accent lyonnais et sa voix ferme.

Je n'oublirai pas ce regard qu'elle a porté sur la côte de veau grillée que je lui ai apporté un jour, parce qu'elle rêvais d'une côte de veau grillée avec une salade "assaisonnée à part avec de l'huile, du vinaigre et de la ciboulette pour la verser moi-même". Je n'oublirai pas non plus la déception de ne pas pouvoir  mâcher cette viande, tant elle était épuisée.

Jeanne m'appelait "ma douce " et "bichette" aussi.

Je n'oublierai pas Jeanne et son mauvais caractère quand je n'avais pas trouvé le chou à la crème chantilly qu'elle m'avait commandé, si déçue qu'elle m'avait "traitée" de menteuse, alors que j'avais fait Quatre patisseries dans la ville!

Je n'oublierai pas le rire fragile et fatigué de Jeanne quand je dansais pour elle en chantant la chanson des câlins, apprise avec mes enfants.

J'aimais Jeanne,  elle était la première résidente que j'ai visitée. Elle me manquera.

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